​La majorité de gens sont embarrassés lorsque leur chien chevauche (monte, ‘zigne’) un autre chien, une personne ou des objets. Ils se font dire qu’il est temps de stériliser leur chien ou que leur chien dominant. Vraiment?
Parfois, on sait très bien que cela ne peut être ça: notre chiot a seulement 12 semaines et le vétérinaire nous conseille d’attendre avant de le stériliser pour son bon développement…..ou bien, notre chien est opéré depuis longtemps… ou c’est une chienne?!!
​ Pour ce qui est des remarques que notre chien ‘est dominant’ qu’est-ce que cela veut dire exactement? Franchement, j’ai depuis longtemps pris l’habitude de poser plus de questions à la personne qui utilise ce terme car il veut dire tout et rien en même temps. Souvent, les gens décrivent comme ‘dominant’ un chien très nerveux. D’autres fois ils parlent d’un chien sur la défensive, inquiet ou encore d’un chien indépendant, heureux de vivre qui a besoin de motivation logique pourquoi laisser tomber ce qui l’intéresse pour venir se faire rattacher au parc. Certains pensent à ‘être dominant’ comme un trait de personnalité et beaucoup trop de gens- dont certains soi-disant professionnels- voient la dominance partout, soupçonnant chaque être vivant d’être plus intéressé à monter en statut que de respirer ou manger. Pour moi, il existe une définition raisonnable de la dominance, du côté de l’éthologie : cela a rapport avec quel individu dans un groupe a plus facilement accès à une ressource convoitée. Cette dominance est fluide et on ne naît pas avec ou sans. Cela prend au moins deux individus et une ressource convoitée limitée. Chez des canidés sauvages, il est surtout question du privilège de se reproduire. Dans le travail avec nos chiens, ce n’est pas un concept très utile. Les humains sont déjà très ‘dominants’ par rapport aux chiens car contrôlent pas mal toutes leurs ressources et ne sont pas en compétition avec leurs chiens pour la reproduction. Je ne me suis jamais inquiété qu’un chien ‘domine’ son humain : les problèmes qui me sont présentés sous cette étiquette finissent toujours par être complétement autre chose : du stress, de la peur, une incompréhension, un manque de technique ou clarté.
Donc pourquoi donc Ziggy chevauche (‘zigne’, monte) la jambe d’un invité? Est-ce les hormones?
Le chevauchement chez le chien peut être associé à la reproduction mais plus souvent qu’autrement, il n’est nullement lié aux histoires d’amour et plaisir corporels.
Un chien (ou une chienne!) peut monter d’autres chiens, ses humains, des humains moins connus ou des objets. Certains chiens le font avec intensité et insistance et d’autres de façon légère et sans persévérance ce qui peut nous donner des indices additionnels sur l’interprétation de ce comportement. On veut connaître les circonstances exactes, ce qui est arrivé avant, pendant et ce qui risque d’arriver après pour avoir une petite idée de ce qui se passe, pourquoi, et quoi faire pour l’arrêter si c’est problématique. Cela n’est pas nécessairement problématique à chaque fois. On veut bien observer nos chiens à travers leurs différentes communications et actions afin de mieux les comprendre.
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Voilà des raisons classiques du comportement de chevauchement chez nos canidés :
A) Stress de différentes formes :
- Peur, inquiétude :
Le chien peut être inquiet avec le mouvement rapide (d’autres individus ou objets) et voudra naturellement faire cesser ce qui l’inquiète. Le chien peut donc monter des chiens qui jouent de façon mouvementée ou bruyante. On voit des chiens qui ne sont pas à l’aise dans un parc à chien poursuivre et essayer de monter des chiens plus agités, souvent des jeunes, juste des chiots envahissants, ou systématiquement chaque chien rencontré. Cela nous parle à quel point le chien n’est pas à l’aise dans la situation et la première bonne chose à faire est de simplement partir avec lui du parc et ne pas le confronter à des chiens qui l’inquiètent. C’est un contexte où on va souvent entendre que le chien est ‘dominant’. En fait non, il est juste vraiment nerveux et essaye de contrôler le chaos perçu comme un chien de berger essaye de ramasser un mouton qui ne suit pas comme il devrait. Certains chiens jappent et tournent autour, parfois en donnant des coups de dents. D’autres vont essayer de chevaucher pour tenter de contrôler le mouvement. Évidemment, on ne veut pas laisser notre chien faire ça : c’est un bon moyen pour commencer des bagarres entre chiens et si notre chien en est rendu là, c’est qu’il est réellement en train de se sentir mal et vit une mauvaise expérience. Le retirer gentiment de la situation est la seule bonne réaction dans l’immédiat. On veut éviter de chicaner notre chien: il est simplement stressé et se faire chicaner en plus n’aidera certes pas à ce qu’il trouve finalement la situation plus agréable et se détende. On voudra faire un travail de réhabilitation et vérifier s’il ne souffre pas d’inconforts physiques qui peuvent le rendre plus nerveux face au mouvement avant de le remettre dans des circonstances similaires.
On voit aussi des chiens monter des jeunes enfants qui courent et crient: encore une fois, c’est très couramment une situation effrayante pour un animal.
On peut voir des chiens de famille ne plus attendre qu’un enfant se mette à s’agiter : dès que le chien le rencontre, il essaye de le monter. C’est simplement de l’anticipation: le chien a associé cet enfant à tout le brouhaha effrayant qu’il fait habituellement ou appréhende l’envahissement habituel par cet enfant. On veut définitivement protéger les deux parties et regarder la relation entre le chien et les enfants ou un enfant en particulier afin de s’assurer de bien gérer leur relation et commencer à remplacer ces mauvaises associations par des plus positives.
La peur et le stress sont une raison courante de chevauchement qui est souvent mal interprété ce qui augmente le stress du chien selon la réaction des humains présents.
En réhabilitation, on voudra à court moyen terme lui montrer comment juste partir au lieu d’essayer de contrôler la situation qui l’inquiète. On voudra apprendre aux humains concernés à reconnaître les premiers signes de stress chez leur chien (avant qu’il ne chevauche) et comment l’aider à se sentir protégé. À moyen-long terme, on voudra idéalement le rendre moins inquiet de situations courantes. Évidemment, on ne vise pas qu’un chien âgé, qui commence à avoir des petits inconforts et raideurs accepte de se détendre avec un groupe de juvéniles excités qui déplacent beaucoup d’air. On voudra l’aider à ne pas se faire bousculer et demeurer confortable. On peut apprendre à un chien nerveux avec le courses d’enfants que c’est un exercice positif pour lui et qu’il sache quoi faire pour s’écarter du brouhaha et s’attendre à des récompenses afin de bâtir un bon historique : le chien peut finir par être content lorsque des enfants se mettent à crier et courir car c’est son signal qu’il peut se tasser et aura sa friandise J.
- Inquiétude plus modérée, incompréhension:
Avez-vous déjà essayé de faire des exercices de yoga ou de physiothérapie à terre en présence d’un chien? Plusieurs chiens viennent nous lécher lorsqu’on s’installe à terre et certains vont nous monter. Ils vont souvent le faire de façon moins rapide et intense qu’un chien très inquiet. Ils sont plutôt confus, nous trouvent dont bien étrange à terre, pas du tout comme d’habitude. Ce petit stress est suffisant pour produire du chevauchement sur la personne dont bien bizarre à terre! On peut évidemment se simplifier la vie et utiliser une barrière, porte entre nous et le chien : lui donner un kong congelé ou un bullystick de l’autre côté d’une porte pendant qu’on fait nos exercices ou choisir de faire nos exercices hors de sa vue, à des moments où notre chien fait une sieste. Si on est motivés, on peut graduellement apprendre couche-reste à notre chien en augmentant la difficulté à son rythme pour se rendre à être capable de faire des culbutes ou des sauts avec notre chien qui est fier de continuer à faire son reste pour une friandise entre les sets. Dépendamment du niveau d’entraînement qu’on a déjà avec notre chien de ce côté, cela peut prendre quelques jours d’exercices graduels donc il est tout de même recommandé de simplement gérer la situation en attendant (au lieu de chicaner le chien confus ou ne pas faire nos exercices).
- Fatigue :
La fatigue est une forme de stress sur le corps. On voit des chiots fatiguer durant une promenade s’arrêter ou essayer de s’arrêter avant que la laisse ne les tire plus loin. Bien que certains chiots ont simplement l’air de dire « bye, moi je me repose ici continues sans moi » en s’asseyant ou se couchant à terre, d’autres ne veulent pas qu’on les laisse seuls ou veulent simplement éviter la pression de la laisse. Ils peuvent essayer de communiquer à l’humain leur besoin de s’arrêter, ralentir ou changer de direction en chevauchant leur jambe. Ce geste est observé souvent lorsque le chien essaye d’arrêter ou de contrôler un mouvement, ici, la marche ou l’éloignement de l’humain. Cela n’a rien de ‘dominant’, c’est une tentative de communiquer ses besoins. S’assurer de ne pas surfatiguer notre chien, observer différents petits signes vont nous permettre alors d’éviter le chevauchement. Chez un chien adulte, sera pourrait être signe d’un nouvel inconfort physique lors de la marche ou un autre problème.
- Frustration :
Une autre forme de ‘stress’ sont des émotions comme la frustration. On peut parfois observer un chien sortir sa frustration en chevauchant ; et franchement il y a des options pires (comme vocaliser ou mordre)!
Par exemple, Ziggy essaye de participer dans le jeu entre deux autres chiens qui l’ignorent. Il se peut qu’il finisse par chevaucher à force de ressentir de la frustration.
Chez-nous, j’observe mon conjoint qui se fait chevaucher légèrement lorsqu’il commence à jouer avec notre chien, puis, distrait, s’occupe à autre chose et laissant son chien là, confus. Notre chien a compris que s’il le chevauche à ce moment, cet humain va faire « ah oui, le chien, on allait jouer! ». Le chevauchement a débuté pour faire sortir le trop plein de frustration dans ces moments et a fini en un comportement appris qui fonctionne pour avoir l’attention de cet humain hihihi. Ce même chien me chevauche très peu en comparaison : il n’en a pas besoin car je lui donne de l’attention lorsqu’il en a besoin ou lorsqu’il le demande de façon agréable comme simplement venir me voir J. Si mon conjoint en était dérangé, il serait aisé de simplement répondre aux autres communications au lieu d’attendre le chevauchement.
- Stress ‘positif’ :
Le stress peut-être aussi beaucoup de quelque chose d’agréable. Un chien dans un état de « je ne m’en peux plus :D!!! » surtout chez les juvéniles, pourrait résulter en chevauchement. À différencier du stress qui peut ressortir en hyperactivité fébrile, plutôt négatif! Beaucoup de chiens ‘trop contents’ sont en fait, pas mal stressés, confus ou nerveux. Pour essayer de le décoder, plus de détails ici : Chien 101.
B) Jeu :
Surtout chez les jeunes chiots, chevaucher peut faire partie des gestes durant le jeu. Ils peuvent se monter entre chiots ou monter des objets. Cela ne cause aucun problème sur les objets, sauf si c’est dangereux. Entre chiots, on veut s’assurer que cela ne rend pas inconfortable physiquement l’autre chiot (ou le chat), ou ne lui fasse pas peur. Il se peut aussi qu’un chiot devienne trop fatigué-surexcité ou stressé durant le jeu. On redirige gentiment dans ce cas.
C) Hormones :
Oui, il peut arriver qu’un chien ou chienne fasse du chevauchement par des désirs hormonaux, habituellement lorsque pas stérilisés mais peut aussi arriver après l’opération. Toutefois, la grande majorité de chiens adolescents qui chevauchent le font pour d’autres raisons.
Comme avec plusieurs signaux, un même individu peut produire du chevauchement pour des multiples raisons différentes au courant de la journée. Certains chiens expriment différentes choses avec le chevauchement tandis que d’autres sont très spécifiques dans leur utilisation de ce comportement. Si vous n’arrivez pas à déceler les causes d’un comportement chez votre chien, que vous avez besoin d’aide pour savoir comment réagir, si vous observez de l’inquiétude et aimeriez réussir une bonne réhabilitation, des consultations privées pourraient être une bonne idée.
En attendant, distrayez gentiment votre chien qui monte, éloignez le joyeusement (et non comme punition) et continuez à observer.
Bonnes observations!
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Zuzanna(Zuzia) Kubica CDBC & Mishtamek avec Zorro et Fleuve
Intervenante en comportement canin à CoeurCanin.com
Propriétaire de la Formation CoeurCanin pour intervenants en comportement animal
Certified Dog Behaviour Consultant of IAABC
Cofondatrice du RQIEC Regroupement Québécois des Intervenants en Éducation Canine